Le couple franco-allemand

63ème Sommet franco-allemand à Mulhouse (30 mai 1994) - Point de presse

France - Allemagne - priorités des présidences française et allemande de l’Union européenne


Nous venons avec mon collègue Klaus Kinkel et en compagnie d’Alain Lamassoure, de faire le point des relations entre nos deux pays sur un certain nombre de questions d’actualité.

Nous avons abordé tout d’abord, et c’est ce qui a occupé la plus grande partie de cette réunion, toutes les questions relatives à l’Union européenne et à la préparation des deux présidences successives, allemande, au deuxième semestre 1994, et française, premier semestre 1995. Comme vous le savez, nous sommes convenus de préparer ensemble ces deux présidences pour leur donner la plus grande cohérence, la plus grande continuité et donc la plus grande efficacité possible.

J’ai constaté avec beaucoup de plaisir que - ce n’est pas l’effet du hasard, nous y avons déjà travaillé - les grandes priorités de la présidence allemande correspondent tout à fait aux grandes priorités de la présidence française.

J’en énumère quelques unes. Numéro un, évidemment, tout ce qui concerne l’emploi : dans quelle mesure l’Union européenne peut-elle contribuer à la lutte contre le chômage dans les pays européens et à la stimulation de la croissance ? A ce titre nous avons évoqué les projets de grands travaux et de grands réseaux. Nous avons également dit un mot des questions de compétitivité des entreprises européennes. Ce sera donc, dans la perspective de la mise en oeuvre du Livre blanc de la Commission, la priorité de la présidence allemande et la priorité de la présidence française.

Deuxième priorité : tout ce qui tourne autour de la stabilité et de la paix sur notre continent. Sous ce grand chapitre, nous mettons un certain nombre de préoccupations plus concrètes. D’abord, la mise en oeuvre de l’élargissement de l’Union européenne aux quatre pays que nous venons d’accueillir ; cela se fera sous présidence française. En second lieu, la coopération avec les pays d’Europe centrale et orientale et la préparation de leur future entrée dans l’Union européenne. Ceci a fait l’objet d’un texte franco-allemand qui fixe les principes d’une politique respective, j’allais dire commune, vis à vis des PECO, comme on dit. Enfin, toujours au titre de la stabilité et de la paix sur le continent européen, nous nous fixons pour objectif commun de mener à bien le Pacte de stabilité dans les délais qui ont été prévus lors de la Conférence de Paris, la semaine dernière, c’est-à-dire ouverture des tables rondes, sous présidence allemande et présidence française, et conclusion de l’opération, si possible, au premier trimestre de l’année 1995.
Parmi les priorités de nos présidences figureront également les questions de sécurité intérieure et d’immigration, les questions de démocratisation des institutions européennes et, la France y mettra tout particulièrement l’accent, les questions d’éducation, de culture et d’audiovisuel.

Voilà les principales questions que nous avons débattues. Nous avons également arrêté un texte commun qui vous sera distribué demain et qui a trait à une initiative commune pour lutter contre le racisme et la xénophobie en Europe.

Ex-Yougoslavie - Bosnie


Nous avons enfin abordé un certain nombre de grandes questions internationales. Au premier chef, la situation en Bosnie. Vous savez que depuis des mois maintenant, tout particulièrement depuis l’initiative que Klaus Kinkel et moi-même avions prise ensemble à l’automne dernier, la diplomatie française et la diplomatie allemande sont très exactement sur la même ligne en ce qui concerne la Bosnie. Nous avons donc réaffirmé notre volonté de tout faire pour que le plan, dont les grandes lignes ont été définies lors de la conférence de Genève le 13 mai dernier entre les grandes puissances, soit promu et défendu et que nous maintenions les contacts avec les parties concernées pour qu’on puisse aboutir dans ce cadre là. Vous savez qu’une nouvelle rencontre est prévue à Talloires la semaine prochaine. La réunion du G7 élargi à la Russie au début du mois de juillet, les 8 et 9 juillet, sera à l’évidence une occasion d’évoquer ce problème de la Bosnie au niveau des chefs d’Etat et de gouvernement, puisqu’il y aura là le Président Clinton, le Président Eltsine, le Président Mitterrand, le Chancelier Kohl, M. Major, le Premier ministre japonais, le ministre italien etc.. Il y a donc là une sorte de butoir, si je puis dire, dans le calendrier. Nous souhaitons qu’entre les réunions de Talloires et ce Sommet du G7, G8 à Naples, au début du mois de juillet, une autre réunion ministérielle, dans la même configuration que celle du 13 mai à Genève, puisse se tenir pour faire le point de la situation avec les ministres des trois communautés concernées.

Union européenne - Russie - Ukraine


Nous avons dit un mot également de la situation en Russie. Je pense qu’après mon voyage à Moscou et les récentes conversations qui ont eu lieu au COREPER, on est tout près maintenant d’un accord permettant de débloquer le texte de l’accord de partenariat entre l’Union européenne et la Russie. Nous avons également confronté nos points de vues, qui sont tout à fait proches, sur la situation en Ukraine, qui nécessitait de calmer le jeu et d’éviter à tout prix que le ton ne monte. Il faut résoudre les problèmes qui se posent par la négociation. Nous sommes également convenus de faire de la question de Tchernobyl une des priorités de la prochaine rencontre de Corfou.

France - Allemagne


Voilà en résumé, sans entrer dans le détail et sans être évidemment exhaustif, parce que nous avons aussi parlé de l’Algérie, du Rwanda, de l’Afrique du Sud, nous avons évoqué ces questions dans le climat qui prévaut dans chacune de ces rencontres entre Klaus Kinkel et moi, c’est-à-dire une très grande cordialité et une grande franchise. Le couple franco-allemand, cela ne veut pas dire que nous sommes d’accord a priori sur toutes les questions qui se posent sur l’agenda international ou européen. Cela veut dire qu’on essaie de se mettre d’accord a posteriori justement. Il y a a priori parfois des divergences de vue, des divergences d’intérêts, c’est bien normal entre deux pays comme les nôtres, mais la mécanique est telle que ces éventuelles divergences - qui ne sont pas évidemment la règle générale, car souvent nous tombons d’accord d’emblée - se réduisent et que l’on arrive la plupart du temps pratiquement toujours, à des positions communes, qui restent motrices au sein de l’Union.

France - Bosnie-Herzégovine - reconstruction de Sarajevo


J’en profite pour vous dire - sur un sujet plutôt franco-français - que dans le cadre des efforts que nous faisons pour la reconstruction de Sarajevo, (car vous savez que la France est tout à fait en pointe dans ce domaine après l’ultimatum qui a permis de changer radicalement les conditions de vie des habitants de Sarajevo en février - je constate d’ailleurs qu’on a perdu le souvenir, semble-t-il, puisqu’on ne parle plus aujourd’hui que de capitulation) nous travaillons, nous essayons de reconstruire, et le gouvernement français vient de décider d’accorder un don de 25 millions de francs à la reconstruction de Sarajevo, ce qui fait de nous le premier et sans doute encore pour longtemps le plus important donateur, puisqu’il s’agit d’un don, l’objectif étant de consacrer l’essentiel de cette somme à la réhabilitation du réseau d’électricité à Sarajevo. Des études ont été faites par EDF. Vous savez qu’il y a un groupe de coordination qui fonctionne sous la responsabilité d’un Américain, M. Eagleton, qui s’est réuni récemment et qui a fait le point de toutes les questions qui peuvent se poser en matière de transport urbain, de santé, d’hygiène publique, etc.... Donc, la France montre l’exemple, une fois de plus, en dégageant des crédits importants pour la reconstruction de ce réseau d’électricité.

Je vous rappelle que, par ailleurs, le ministère des Affaires étrangères a débloqué des crédits spécifiques pour divers projets culturels, dont la restauration de la bibliothèque de Sarajevo. Une mission française se rend à Sarajevo jeudi pour identifier dans ce cadre, avec les autorités bosniaques et la FORPRONU, le calendrier et les besoins prioritaires.

Q - Avez-vous un petit commentaire à faire sur la dernière décision de Bernard Henry Lévy de retirer sa liste, le jour du scrutin ?

R - J’imagine que l’ultimatum qu’il avait lancé a reçu satisfaction. Je me bornerai à dire "courage, fuyons les électeurs !". Je n’ai pas d’autre commentaire, parlons de choses sérieuses. L’épopée se termine en pantalonnade.
Accord de patenariat avec la Russie

Q - (Sur l’accord de partenariat avec la Russie).

R - Oui, sur la plupart des points, nous sommes maintenant au clair. Cet accord, vous le savez, consiste - tel qu’il était présenté par la Commission qui l’a négocié - à proroger en réalité les dispositions de l’accord de 1989 entre EURATOM et la Russie, jusqu’au 1er janvier 1997. Puisqu’on n’a pas pu se mettre d’accord sur un nouveau système, on proroge le système existant.

La France avait trois préoccupations par rapport à cette proposition qui globalement, nous satisfaisait. Première préoccupation : qu’est-ce qui se passe au-delà du 1er janvier 1997 si d’ici là on n’a pas trouvé un nouveau système ? Nous ne voulions pas tomber dans un vide juridique et nous avons obtenu satisfaction. Il sera précisé que si le 1er janvier 1997 un nouveau système n’a pas été mis au point, c’est l’accord de 1989 qui continuera à s’appliquer. Ce qui n’était pas acquis avant les dernières discussions à Moscou.

Deuxièmement, nous avions constaté que dans cet accord, ou en tout cas dans ses annexes, figuraient toute une série de considérations sur le désarmement et la non-prolifération, qui n’avaient rien à voir avec le commerce, c’était de la politique internationale, dont nous voyons mal pourquoi elles étaient dans cet accord de commerce. Donc nous avons obtenu là aussi qu’on les disjoigne de l’accord ; elles ne figureront plus dans les textes.

Enfin, reste un problème à régler à douze, qui est celui des mécanismes permettant le déclenchement de la clause de sauvegarde qui est prévue dans l’accord. C’est là qu’il reste encore quelques discussions à mener au sein du COREPER, entre experts d’ici le 12 juin, puisque nous souhaitons aboutir avant la prochaine réunion du Conseil des ministres Affaires générales, qui est prévu le 12 et le 13 juin prochain au Luxembourg.

Q - (inaudible)

R - C’est quelque chose qu’il appartient à la Présidence de déterminer. Ce qui est important, c’est que le 12 et le 13, les ministres se mettent d’accord sur un texte. Pour le reste, c’est de la procédure et, je dirais, du protocole.

Ex-Yougoslavie - Bosnie


Q - Concernant la Bosnie vous dites que la réunion du G7 est un butoir ?

R - C’est un butoir, c’est dans ces eaux-là. Cela fait longtemps que nous disons que s’il ne se passe rien avant l’été, on en tirera les conséquences. C’est autour de cette date que je vois les choses aboutir ou ne pas aboutir. C’est notre calendrier. On l’a expliqué depuis longtemps, vous savez, je me suis étonné d’entendre dire une quantité de sottises depuis quelques jours sur ce sujet-là. Quand j’ai entendu hier soir - je ne résiste pas à la tentation de le dire - M. Rocard dire à M. Baudis à la télévision "vous comprenez, il y a six mois que la PESC, la politique extérieure et de sécurité de l’Union européenne, est en vigueur et le gouvernement français n’a pas encore demandé qu’on fasse de la Bosnie une action commune". On ne peut pas être ignorant à ce point. Cela dépasse toutes les limites que l’on peut imaginer. Je l’ai dit vingt fois : la première action commune de l’Union européenne a été précisément l’action en Bosnie. Sous bien des aspects, ne serait-ce que l’administration de Mostar, pour laquelle nous avons désigné une personnalité allemande, d’ailleurs, l’ancien maire de Brême, qui travaille, et ainsi de suite. Donc le plan d’action de l’Union européenne constitue une action commune de la PESC. La première action commune de la PESC,. L’ignorance, parce que je ne peux pas croire que ce soit de la mauvaise foi, c’est de l’ignorance, l’ignorance de M Rocard en matière de politique étrangère est pyramidale, je ferais mieux de dire abyssale, c’est plutôt dans l’autre sens que cela se joue. Donc voilà, je pourrais allonger la liste..

Q - Le seul thème de débat dans cette campagne a été la Bosnie, tout de même...

R - Cela fait des mois et des mois que je me bats pour régler ce problème. Donc moi je n’ai pas découvert le problème de la Bosnie. Quant à dire qu’on ne parlait pas de la Bosnie jusqu’à ce que M. Bernard Henry Lévy se mette en tête d’être candidat aux élections européennes, c’est une supercherie. On n’a pas parlé de la Bosnie au moment de l’ultimatum ?

Q - Pas comme le principal thème de débat électoral...

R - Si. Et c’est fini, ce ne sera plus le principal thème de débat électoral puisque la liste en question a déclaré forfait.

R - Le ministre délégué - Grâce à lui on a parlé de "Bosna", plus que de Bosnie.

R - Oui, c’est cela.

Q - Que pensez-vous du fait qu’on instaure un conseil national de surveillance ?

R - Cela ne m’inspire rien. Ce n’est pas comme ça que je me sentirai plus incité à faire ce que je crois juste. Parce que ce que fait la diplomatie française, ce n’est pas pour moi de l’improvisation. C’est une conviction profonde, je crois que c’est cela qu’il faut faire, je le crois depuis quatorze mois et je le fais avec beaucoup de patience. Nous avons, depuis quatorze mois, changé le cours des choses. Quand j’entends là aussi M. Rocard dire qu’il faut faire cesser les massacres en Bosnie, j’ai envie de l’inviter à aller en Bosnie. Il ne sait peut-être pas que les images de "Bosna" ont été tournées il y a déjà quelques mois, pour ne pas dire en 1992. Et qu’aujourd’hui on ne pourrait plus les tourner. Je ne m’engage pas pour l’avenir parce que tout cela peut, hélas, à nouveau très mal tourner, mais aujourd’hui, la situation sur le terrain est stabilisée, il n’y a plus de bombardements à Sarajevo.

Pourquoi ? Parce que depuis quatorze mois, nous nous sommes fixés trois objectifs. D’abord sanctionner les Serbes. J’ai entendu dire là aussi qu’on traitait les Serbes comme les autres communautés. On a sanctionné les Serbes, par des sanctions, précisément, sur l’Adriatique, sur le Danube, un peu partout, et la France y participe. Deuxièmement, notre deuxième objectif a été de mieux protéger les populations civiles - et en particulier parce que c’étaient elles qui étaient attaquées, les populations musulmanes. Et petit à petit nous y sommes parvenus : zones de sécurité, implication de l’Alliance atlantique, ultimatum de Sarajevo. A l’époque, j’avais droit à des éloges au moment de l’ultimatum de Sarajevo. Il a réussi, et il continue à réussir. Cela fait cinq mois. L’ultimatum de Gorazde, trop tard, je l’ai dit, mais on l’a fait quand même. Et puis notre troisième grande ligne de conduite a été de réunir les grands acteurs internationaux autour d’un possible plan de paix. Cela n’a pas été facile. Nous l’avons fait d’abord avec les Européens, le plan Kinkel-Juppé, le plan d’action de l’Union européenne de novembre 1993, et ensuite la réunion de Genève. Il a fallu beaucoup d’efforts, beaucoup de lettres, beaucoup de téléphones, beaucoup de réunions, pour convaincre les Américains, les Russes et les Européens de se mettre autour de la table. Alors, vous savez, j’essaie de garder le calme le plus total. Mais quand j’entends dire qu’on n’a rien fait depuis des mois pour la Bosnie, je n’ai peut-être pas fait, effectivement, assez de télévision, ça je le reconnais bien volontiers, mais j’ai travaillé, nous avons travaillé, le gouvernement français a travaillé pour faire bouger les choses, il les a fait bouger.

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