Conférence de presse conjointe de M. Kouchner et Mme Wieczorek-Zeul - Propos de M. Kouchner (7 mai 2008)

J’ai reçu avec plaisir mon amie Heidemarie Wieczorec-Zeul et nous allons vous parler de la Birmanie. Le ministre allemand et moi-même avons une position commune qui est malheureusement, d’abord, une position d’attente. Je fais un petit point et Heidemarie Wieczorec-Zeul va vous préciser la position allemande.

Nous venons d’apprendre que deux avions affrétés par les Nations unies, pour le PAM, sont partis. Le premier avion serait parti de Bangkok et serait sur le point de se poser à Rangoun ; le deuxième avion partirait, c’est quand même une bonne nouvelle, de Brindisi avec 27 tonnes d’aide pour aller à Rangoun. Ce serait, il faut tout vérifier à chaque fois, ces deux seuls avions qui seraient autorisés à se poser. Ce n’est pas un pont aérien, Ce n’est pas ce dont on a besoin, mais c’est quand même la nouvelle d’un déblocage.

Pour ce qui nous concerne, si les choses se passent mieux, nous passerons de 200 000 euros, comme je l’avais annoncé, à un ou deux millions d’euros si c’est nécessaire. Il faut, c’est sûr, savoir comment l’aide est distribuée.

Une dernière chose avant de passer la parole au ministre allemand : nous avons, les Britanniques, les Français et les Indiens, des bateaux exactement en face de l’embouchure de l’Irrawady, juste en face, là où le désastre a eu lieu. Les hélicoptères sont prêts, il nous faut une demi-heure pour les bateaux français et les hélicoptères français, et j’imagine que c’est pareil pour nos amis britanniques, pour arriver à l’endroit du désastre.

Nous faisons pression, en permanence, sur les autorités birmanes mais, pour le moment, nous n’avons pas d’accord. C’est vraiment dommage, c’est vraiment ce que j’appelle le désastre dans le désastre, nous sommes là, avec de l’eau, avec de la nourriture, avec tout ce qu’il faut et, pour le moment, nous n’avons pas d’autorisation. C’est cependant un bon signe, ou du moins un petit espoir, que les Nations unies aient ce programme de deux avions même s’il en faudrait beaucoup plus.

J’ajoute que non seulement nous augmenterons notre aide, si nous sommes sûrs qu’elle soit bien acheminée - aide financière, je vous l’ai dit, de 200 000 à un ou deux millions, mais, surtout, nous avons commencé les pressions politiques, bien sûr, sur le gouvernement du Myanmar mais aussi au niveau des Nations unies.

La France, qui n’a pas été pour rien dans ce que l’on appelle le droit d’ingérence, devenu responsabilité de protéger, est en train de voir aux Nations unies si l’on ne peut pas se servir de cette responsabilité de protéger, alors que la nourriture, les bateaux, les secours sont là, pour qu’il y ait une résolution des Nations unies qui autorise le passage, qui l’impose au gouvernement birman. Ce n’est pas une démarche juridique facile, mais c’est un complément indispensable pour montrer la détermination de la communauté internationale. Ce qui serait, comme l’a dit Heidemarie Wieczorec-Zeul, une catastrophe dans la catastrophe, ce serait que l’on ne puisse pas aider les gens qui sont là, devant nous. Nous essayons aux Nations unies, je l’ai dit ce matin au conseil des ministres, et nous essayons aussi au niveau bilatéral, c’est-à-dire en faisant pression auprès des autorités birmanes ; il y a des demandes de visa, enfin, tout ce que l’on fait pour essayer de faire passer ce secours indispensable.

Question - Au niveau des pressions politiques, est-ce que Total peut être un acteur pour renforcer la pression politique sur le régime ?

Bernard Kouchner - C’est une question très perverse, Madame. Je vous en félicite. Ce que j’ai dit de Total, c’est qu’elle était, dans sa zone, extrêmement efficace auprès des populations, dans l’accès médical aux soins, etc. Je vous invite à faire la même demande auprès de toutes les entreprises qui travaillent en Birmanie, je ne manquerai pas de le faire auprès de Total. Mais ce n’est pas Total qui refuse. Total, au contraire, serait prêt à aider, puisqu’elle l’a déjà fait et qu’elle continue de le faire depuis des années. Total n’est pas une entreprise d’esclavagistes, c’est une entreprise qui respecte le droit du travail français et qui, sans quoi, passerait devant les tribunaux français. Toutes les entreprises, j’imagine, devraient être invitées à faire pression. Mais c’est le gouvernement birman qui refuse, ce ne sont pas les entreprises. Elles font ce qu’elles peuvent, d’après ce que nous savons.

J’en profite pour dire, comme l’a dit Heidemarie Wieczorec-Zeul, que nous avons quatre ONG françaises qui travaillent depuis des années en Birmanie. C’est à travers elles que nous voulons faire pression et peut-être acheminer l’aide, c’est-à-dire Médecins du Monde, Aide médicale internationale, Action contre la faim et la Croix-Rouge française. C’est pour cela que nous avons débloqué une première somme, pour ces ONG et si cela se passe bien, nous débloquerons encore de l’argent.

Question - Auprès de la junte militaire, quelle est la fréquence des contacts téléphoniques ? Comment cela se passe-t-il ?

Bernard Kouchner - Il y a une ambassade de Birmanie en France à laquelle nous avons adressé nos demandes ainsi que les demandes de visa. Les démarches s’effectuent selon les moyens traditionnels de la diplomatie, à travers l’ambassadeur et son ambassade et puis à travers les Nations unies, je vous l’ai dit. La pression s’exerce, nous sommes membres du Conseil de sécurité. Il y a un travail qui a été entamé par la France avec ses amis et je ne doute pas que l’Allemagne le soutiendra pour essayer de faire de leur côté toutes les pressions possibles pour que la Birmanie, Myanmar, accepte l’aide et les deux avions qui sont annoncés constituent un tout petit espoir, certes, mais enfin c’est déjà ça.

Question - (inaudible)

Bernard Kouchner - Je n’en sais rien. Vous venez de me l’apprendre. C’est excellent. J’espère que ce sera au contraire une facilité pour que nous ayons nos équipes. Vous savez la sécurité civile est prête. Elle peut partir dans l’heure, ou dans les deux heures. Quant aux hélicoptères basés, sur nos navires, ils pourront être prêts dans la demi-heure. Nous ne pouvons pas en faire plus, malheureusement.

Question - (inaudible)

Bernard Kouchner - Comment savoir, cela a commencé ce matin. Vous savez chez nous ce matin, il faisait nuit à New York. Nous avons commencé les démarches et je pourrai vous en dire davantage plus tard. Je ne sens pas de réticences. Je pense vraiment que les seules réticences pourraient peut-être venir de la Chine parce qu’il y a déjà eu ces réticences mais aussi une certaine aide de la part de la Chine par rapport à la répression qui avait eu lieu à Rangoun contre les moines, contre les bonzes. Pour le moment, non, je ne peux pas dire cela. Mais c’est une démarche très inusitée, je crois que c’est la première fois. Jusqu’à présent on respecte la souveraineté d’Etat. Quand les gens disent : "vous n’avez pas accès à notre sol", nous n’y avons pas accès. Nous ne forçons pas la porte. Nous verrons bien ce que font les Nations unies.

Question - (inaudible)

Bernard Kouchner - Je ne sais pas, cela dépendra de ce que l’on dira. Vous savez les services sont très habitués. Nous avons une cellule de crise, ici, en permanence et trois rendez-vous quotidiens. Il y a les personnels du Quai d’Orsay, de la cellule de crise, du ministère de l’Intérieur et du ministère de la Défense avec, chaque jour, des réunions élargies. Nous sommes tout à fait opérationnels.

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